Déconstruire mes pensées

Déconstruire mes pensées

Je vous invite à imaginer la situation suivante: vous avez entendu parler d’un pays dans le monde où les gens croient que l’herbe est de couleur mauve, que les poules sont des animaux sacrés et qui sont convaincus que la polygamie est la manière la plus saine de vivre. Si vous décidez, du jour au lendemain, de vous immerger dans leur culture et de voir le monde comme eux, prenez juste une minute pour essayer d’imaginer tout le processus interne par lequel il va vous falloir passer pour y arriver. Vous allez devoir déconstruire vos propres conceptions et rendre votre toile intérieure la plus blanche possible, pour ensuite pouvoir y peindre un tout nouveau monde fait de nouvelles pensées. Et croyez-moi, ce chemin n’en sera pas un facile, car nos « cassettes » sont bien bien bien installées en nous. C’est dit grossièrement et la situation peut vous paraître exagérée, mais bon, c’est un peu ce par quoi j’ai dû passer quand j’ai décidé de m’aventurer hors du monde chrétien. Après 11 ans dans l’église, je peux vous dire que je ne m’attendais pas à vivre un si grand « choc culturel » en osant me mouiller dans le monde « normal ». Laissez-moi vous partager cette partie de mon cheminement de vie en 3 étapes. Vous comprendrez un peu plus (enfin j’espère!) ce que j’entends pas « déconstruire mes pensées ». Ces étapes vont et viennent, se suivent, se précèdent, se chevauchent, s’entrelacent… encore aujourd’hui!

 

1) Prendre conscience de mes conditionnements

Un ami m’a déjà dit: « Mélanie, ton coeur est comme une poubelle. Tu y as mis tous les enseignements, croyances et valeurs transmis par tes parents, tes amis, ton église, tes profs… Et là il est temps de le vider et de le nettoyer pour le transformer en vase précieux dans lequel tu mettras tes perles à toi. » Sur le coup, je ne comprenais pas trop de quoi il me parlait. Je trouvais l’image très forte, mais je n’en saisissais pas la portée pour ma vie. La prise de conscience, pour moi, s’est faite de manière graduelle, au fil des échanges et des situations quand, par exemple, j’ai réalisé que j’étais habitée par des réponses automatiques et que j’ai commencé à me demander d’où elles provenaient:

 

« Je suis avec des amis et on discute de la vie après la mort. Ils me demandent ce que je crois à ce sujet. Je leur réponds que la réponse chrétienne à donner serait qu’il y a un paradis et bla bla bla… mais que pour la première fois je me permets de me demander ce que moi je crois réellement dans ce domaine. Je ne sais plus. » (Extrait de mon journal intime)

 

« Je suis dans une conférence de canalisation médiumnique avec mon copain. Je m’assois, un peu anxieuse. Je ne sais pas à quoi m’attendre. À l’heure prévue, un homme prend la parole, nous souhaite la bienvenue et nous explique le déroulement de la soirée. Puis, la médium entre en transe devant nous. Sa voix change, ses gestes sont saccadés. Je suis submergée par la peur, j’ai envie de reculer ; je suis assise beaucoup trop près! En moi, ça crie très fort de faire attention aux démons, que ce que je vois en ce moment est dirigé par Satan. Je prends conscience de ces pensées et je me permets de les remettre en question. Et si je décidais de vivre cette conférence sans juger, juste comme observatrice ? Ensuite, peut-être que je pourrai dire si c’était bon ou mauvais. Ou peut-être que non. » (Extrait de mon journal intime)

 

À plusieurs reprises, je m’arrête en moi en plein milieu d’un moment ou d’une pensée, et je prends du recul face à ce qui est là, prêt à être exprimé un peu mécaniquement, et je m’autorise à l’arrêter pour le reconsidérer.

 

2) Mouvement volontaire d’émancipation

Comme je désire me permettre d’explorer ce qui est vivant à l’intérieur de moi, ce qui m’appartient et ce qui sonne juste à mes oreilles, je lis pour la première fois des livres écrits par des auteurs non chrétiens, je me fais des amis non chrétiens, je participe à des rassemblements spirituels variés. À travers ces actions, je rencontre des gens et échange avec eux. Au-delà de seulement « faire des choses », j’ouvre mon esprit. En fait, je force pratiquement une ouverture, même quand je sens de l’inconfort, de la peur ou une confrontation majeure avec mes croyances. J’écoute la vision du monde des gens que je rencontre, lis les livres qu’ils me suggèrent, écoute des vidéos. Je me heurte à des murs en moi, et souvent je bloque, je recule. Il m’arrive de ne pas me sentir prête à aller plus loin. Dans ces moments-là, je respecte mon besoin de temps, et quand le moment vient, je replonge et confronte ces idées ou façons de penser qui me sortent de ma zone de confort. J’essaie de les regarder avec des yeux neutres – même si en fait c’est vraiment impossible à faire – et de tasser tout jugement et croyance ancrée.

 

« Je suis assise dans un bar populaire de Rimouski avec des amis nouvellement rencontrés. On parle de mon histoire. Ils voient en moi une grande culpabilité et me questionnent à ce sujet. Qu’est-ce qui me fait vivre ça ? Je leur réponds gravement que j’ai laissé mon mari, que j’ai quitté l’église, que je suis tombée amoureuse d’un autre homme. Je leur raconte comment depuis cette chute dans ma vie, des gens s’ouvrent à moi, me partageant leurs secrets les plus sombres, comment une amie m’a avoué entretenir une relation avec un homme marié. Et je mets l’accent sur le mot « marié », car pour moi (comme pour elle) cette révélation est sérieuse et horriblement honteuse, une des pires choses qu’une femme pourrait faire… En leur partageant ces morceaux de vie, j’ai l’impression de leur montrer à quel point je suis indigne et pécheresse, à quel point est justifiée cette culpabilité que je vis. Leur réaction me sidère : ils rient, me disent qu’il n’y a rien là de fréquenter un homme marié comme mon amie le fait, que de laisser son mari comme je l’ai fait est hyper fréquent, que dans ces histoires rien n’est si tragique. Je ne comprends pas. Je ne suis pas d’accord. Pour moi le couple est sacré, le mariage aussi, le sexe aussi. Ils me conseillent des livres à lire, des vidéos à regarder sur internet (pas pornographiques!). Désireuse de pousser plus loin ma réflexion et de voir s’ils ont raison, je me procure quelques-uns des livres conseillés. Tranquillement, ce qui était drame commence à s’adoucir. » (Extrait de mon journal intime)

 

C’est ça, pour moi, de décider volontairement de m’émanciper au niveau des pensées et des croyances: c’est oser regarder ailleurs comment ça fonctionne et le considérer sérieusement. C’est décider de ne plus laisser toute la place à des pensées lourdes ou condamnatoires qui me font croire à des démons, à des jugements, à des exclusions. C’est tranquillement faire le mouvement de vider ma « poubelle » pour la nettoyer et en faire un vase.

 

3) Exploration libre

Explorer librement, c’est visiter des espaces inconnus sans juger mes déambulations. C’est lire des livres, assister à des conférences, avoir des discussions ou participer à des retraites appartenant à un monde différent du mien. C’est me mouiller dans une eau étrangère pour en sentir l’effet sur moi; c’est participer à Vipassana, une retraite bouddhiste, c’est essayer la voix du symbolisme amérindien proposée par un ami, c’est aller en stage dans un centre orthodoxe. Puis à travers ces moments d’exploration, je fais des prises de conscience, qui m’amènent à vouloir m’émanciper, puis à explorer encore plus… et voilà que tout recommence encore et encore.

 

Tout ça pour vous partager un peu plus ce qui se passe en moi depuis quelques années. Changer de regard, ça prend du temps. C’est douloureux aussi, parfois. J’ai dû accepter d’ouvrir mes mains et laisser aller certains points de vue et croyances auxquels j’adhérais depuis longtemps et qui orientaient complètement ma façon de vivre ma vie. Cela ne veut pas dire les abandonner pour toujours, mais du moins pour un temps, question de me donner la chance de prendre du recul, de vider « ma poubelle » et d’évaluer ce que je veux remettre dans mon coeur après ce grand nettoyage.

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